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Compte-rendu du déjeuner causerie du 9 septembre 2025 sur « L’amitié arbitrale » :

Plaidoyer de Marc Henry pour une relecture de l’arrêt Douala International Terminal c. Port Autonome de Douala

Pierre-Olivier Savoie, Associé Fondateur, Savoie Arbitration

Le 9 septembre 2025, à Bruxelles, Marc Henry, Président de l’Association Française d’Arbitrage, a prononcé un plaidoyer passionné pour une reconnaissance de ce qu’il appelle l’« amitié arbitrale » par les juridictions judiciaires révisant les sentences arbitrales.[1] Pour Marc Henry, cette « amitié arbitrale » est l’amitié vertueuse telle que la définit Aristote, dans son Ethique à Nicomaque, fondée sur le bien. Une telle amitié ne pourrait donc pas être une cause de « dépendance » (et donc d’absence d’indépendance) envers une partie ou un conseil, pouvant mener à la récusation de l’arbitre.

Cette amitié arbitrale est le lien entre les arbitres qui partagent l’objectif d’une justice internationale arbitrale et qui s’investissent dans son accomplissement. Les arbitres qui s’y investissent débattent ensemble de la justice arbitrale dans les milieux académiques, dans des conférences arbitrales, et dans d’autres contextes. Ils se connaissent, se respectent, s’admirent et ainsi, malgré leurs accords et désaccords sur des sujets particuliers, demeurent, de par leur capacité à dialoguer, à même de faire mieux avancer cette justice arbitrale internationale.

Cette amitié arbitrale, vertueuse par essence, doit être distinguée des autres types d’amitié, soumises aux contingences extérieures, que sont l’amitié utile (qui cherche une contrepartie) et l’amitié agréable (qui cherche le plaisir), qui elles créent des dépendances.

C’est dans ce contexte que Marc Henry a été amené à questionner l’analyse et le résultat de la Cour d’appel de Paris dans son arrêt « Port Autonome de Douala » du 10 janvier 2023.

Marc Henry estime que, contrairement au jugement de la Cour d’appel de Paris, l’amitié liant le Président du Tribunal Arbitral et le conseil d’une des parties n’était pas une amitié qui aurait dû être révélée. Pour la Cour d’appel de Paris, cette non-divulgation justifiait l’annulation de la sentence. Pour Marc Henry, il aurait fallu mieux examiner le contexte des déclarations du Président du Tribunal dans son éloge funèbre du Professeur Emmanuel Gaillard.

En lisant tout l’hommage, plutôt que seules les citations rapportées dans l’arrêt, on aurait pu mieux situer l’événement dans le contexte de la communauté arbitrale, plutôt que dans une simple relation d’amitié ordinaire entre le Professeur Gaillard et le Président du Tribunal Arbitral.

Pour Marc Henry, l’hommage n’est pas une description de l’amitié ordinaire entre deux hommes, mais plutôt un hommage de la communauté arbitrale tout entière par la voix de celui qui le faisait. La cohésion entre le Président du Tribunal Arbitral et Emmanuel Gaillard était institutionnelle et non personnelle. L’hommage parle de voyages partagés, faisant référence aux conférences arbitrales auxquelles tous les membres de la communauté arbitrale participent fréquemment. L’hommage parle du plaisir d’entendre le Professeur Gaillard plaider. L’hommage parle du jury de thèse du Président où le Professeur Gaillard avait siégé.

Marc Henry rappelle que, pour Hannah Arendt, l’amitié est la vertu politique par excellence, parce qu’elle rime avec dialogue. Hannah Arendt critique la vision commune de l'amitié où les gens s’ouvrent leur âme. Pour les Grecs, l’amitié est le discours et le monde se révèle par le dialogue, qui permet au corps arbitral de confronter ses idées. Dans ce contexte, les liens personnels ne corrompent pas la liberté de pensée. Comme le rappelle Marc Henry, le Tribunal Fédéral Suisse estime que les interactions fréquentes entre arbitres et conseils sont normales dans le milieu de l’arbitrage et que seules des circonstances additionnelles peuvent justifier la récusation. Marc Henry ajoute que la réputation de certains arbitres devrait permettre de dépasser les apparences dans certains cas, ce qui aurait pu être le cas dans l’affaire Port Autonome de Douala.

Ainsi, la relation entre le Professeur Gaillard et le Président du Tribunal Arbitral n’était pas, pour Marc Henry, « a close personal relationship » au sens des IBA Guidelines on Conflicts of Interest in International Arbitration.

Durant la période de question, fort animée, au vu de l’intérêt du sujet et de son traitement habile et passionné par Marc Henry, un intervenant a souligné qu’un des aspects de l’hommage indiquait que le Président du Tribunal Arbitral affirmait consulter le Professeur Gaillard pour toutes les questions importantes dans sa vie. Pour Marc Henry, cette déclaration certes malhabile n’aurait pas dû masquer le plus large contexte d’un hommage de la communauté arbitrale à un de ses grands, dans un contexte de choc, d’un décès tristement prématuré.

Indépendamment des faits de l’affaire Port Autonome de Douala, et de leur caractérisation, Marc Henry a réussi à prononcer un déjeuner causerie dont se souviendront longtemps ses amis du CEPANI. Il a présenté avec vigueur et conviction l’idée d’une amitié arbitrale fondée sur l’amitié vertueuse d’Aristote, qui ne crée pas de liens de dépendance pour les besoins d’une demande de récusation d’un arbitre, et qui n’a pas à être divulguée. Ces idées continueront certainement à alimenter longtemps les débats sur les conflits d’intérêts.


[1] La conférence était inspirée de l’article suivant : Marc Henry, « L’amitié arbitrale », Les Cahiers de l’arbitrage 2023-3, pp. 501-534.

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